ARGO

 

PROVOR/ARVOR : DES FLOTTEURS PROFILANTS POUR LE RESEAU INTERNATIONAL ARGO ET UNE TECHNOLOGIE UTILE POUR SURVEILLER LES ECHANGES ENTRE LES OCEANS AU LARGE DE L’AFRIQUE DU SUD
Article rédigé par Carole Saout-Grit – carole.saout@glazeo.net

 

CONTEXTE

Depuis les années 90, un long partenariat industriel entre IFREMER et NKE a permis le développement d’une grande famille de flotteurs autonomes pour des mesures océaniques. Le premier instrument profilant PROVOR a été construit pour le programme international ARGO en 1999, avant une nouvelle version baptisée ARVOR ( » PROVOR « + « ARGO  » =  » ARVOR « ). Basée sur la technologie du PROVOR, le flotteur ARVOR a bénéficié de nombreuses améliorations technologiques, en particulier pour réduire son poids et sa taillait le rendre ainsi plus facile à déployer et moins cher à fabriquer.

La figure 1 détaille la répartition géographique actuelle (en septembre 2014) du réseau Argo par type d’instruments. Parmi les 3579 flotteurs profilants Argo actifs, PROVOR et ARVOR représentent environ 13% du réseau global. En regardant la répartition par pays (figure 2), on peut aussi noter le leadership américain, qui détient plus de la moitié du réseau actif des flotteurs Argo (2020 flotteurs ARGO actifs). Les Etats-Unis arrivent largement devant l’Australie (350 flotteurs ARGO actifs) et les 29 autres pays partenaires du projet.

Figure 1: répartition géographique du réseau Argo par types d’instruments : 3579 flotteurs actifs (une positions relevée durant les 30 derniers jours) pour le programme international ARGO © AIC, Argo Information Center – septembre 2014.

Au 15 octobre 2014 : on dénombre 397 flotteurs actifs (ie une position enregistrée durant les 30 derniers jours) de type ARVOR-Argos floats. La France est en 3ème position avec globalement 255 flotteurs Argo actifs et 161 ARVOR-Argos actifs. La France, et sa composante CORIOLIS en particulier, contribue largement aux déploiements de flotteurs ARVOR pour le programme ARGO : 60% des flotteurs français actifs de type ARVOR ont été financés par le programme français d’océanographie opérationnelle CORIOLIS, comme contribution aux réseaux ARGO et Euro-Argo global.

Figure 2 : Répartition géographique par pays des 3579 flotteurs profilants actifs pour le programme international ARGO © AIC, Argo Information Center – september 2014.

Table 1 : Nombre de flotteurs Argo déployés depuis le 01/01/2000, actifs (au 15/10/2014) et de type ARVOR financés par le projet CORIOLIS. (source: AIC septembre 2014)

De nombreux programmes océanographiques participent au réseau CORIOLIS et aux déploiements de PROVOR ou des nouveaux ARVOR-Argos (voir table1).Depuis dix ans, le projet international GOODHOPE est l’un des plus actifs en Atlantique Sud, contribuant au développement et au maintien du réseau ARGOau large de l’Afrique du Sud, une région cruciale de connexion entre l’océan Atlantique et les deux autres océans principaux, l’océan Indien et l’océan Pacifique. Seuls des PROVOR et des ARVOR ont été déployés dans le cadre du projet GOODHOPE, ce qui explique notre choix de mettre en lumière les résultats scientifiques obtenus grâce aux données des ces flotteurs ARGO dans le cadre du programme GOODHOPE..

Figure 3 : GOODHOPE project : active floats model (left-side) and yearly deployments since 01/01/2000 © AIC september 2014

 

ECHANGES ENTRE LES OCEANS ET EXPANSION DE L’EAU ANTARCTIQUE INTERMDEDIAIRE AU SUD DE L’ARFIQUE

 

En tant qu’initiateur de la branche nord de la Circulation Méridienne Atlantique (AMOC), le Courant du Benguela est une composante-clé du système de circulation grande-échelle qui transporte l’énergie, le sel, et les traceurs biogéochemiques autour du bassin Atlantique. L’eau qui circule dans le Courant du Benguela provient de différentes sources, mais l’essentiel provient de l’Eau Antarctique Intermédiaire (AAIW). La composante relativement douce de l’ AAIW se forme quand l’eau la plus au nord du Courant Antarctique Circumpolaire plonge sous les eaux plus au nord bien plus chaudes. La profondeur et la salinité de l’AAIW varient et dépendent de son lieu de formation. L’AAIW provenant de l’Atlantique et de l’océan Indien alimentent tous deux le Courant du Benguela, en sachant que leurs propriétés et leurs chemins sont importants pour la compréhension de l’AMOC.

Avant le programme Argo, la couverture régionale en données in-situ était particulièrement pauvre dans l’Hémisphère Sud et même plus dans l’Océan Austral. Grâce aux déploiements de flotteurs Argo venus en complément des campagnes hydrographiques classiques, le projet GOODHOPE a fourni et continue de fournir une densité exceptionnelle de données dans l’Océan Austral au sud de l’Afrique. Ces données donnent accès à un nouveau regard et à une estimation plus précise des transports dans les 2000 premiers mètres de l’océan et procurent des informations quantitatives incomparables sur les eaux de subsurface et relativement profondes comme l’AAIW.

Données

Dans l’Océan Austral au large du Cap de Bonne Espérance, les données collectées à partir des flotteurs profilants de 2004 jusqu’à Janvier 2011, et les sections CTD acquises par 80 stations pendant la campagne GOODHOPE de Février à Mars 2008, sont utilisées pour décrire l’Eau Antarctique Intermédiaire (AAIW) dans la partie Atlantique sud-est de l’océan Asutral, et les propriétés hydrographiques des masses d’eaux dans la zone.

Un total de 309 flotteurs, représentant environ 92700 profils individuels de température et salinité localisés dans le quadrant [10°W-40°E;20°S-60°S] de 2004 à 2011, sont utilisés pour comprendre les origines et les caractéristiques des variétés de l’AAIW. La zone d’étude a été divisée en sous-régions sur la base de la dynamique régionale et de la disposition des fronts qui délimitent les régions subtropicales et les différents jets du Courant Circumpolaire Antarctique Circumpolar ayant un lien avec la dynamique de l’AAIW.

Ces fronts sont : le Front Subtropical (STF) et le Front Subantarctique (SAF). Les positions moyennes des fronts, généralement déterminées sur la base d’un critère hydrographique (Orsi et al., 1995), ont été calculés à partir des flotteurs ARGO relativement au calcul de hauteur de surface dynamique. La figure 4 montre la position des profils ARGO utilisés dans cette étude;

Figure 4 : Positions des fronts calculés à partir des profils ARGO (a) : Positions de tous les profils Argo utilisés dans l’étude- (b) : Positions des fronts déterminés par les flotteurs Argo. Dans les deux figures, les fronts sont définis par Belkin and Gordon (1996) et ceux dérivant de l’altimétrie satellitaire sont en lignes grises © Rusciano et al. 2012

 

RESULTATS

Comme on le sait, la salinité au minimum de salinité est un bon indicateur pour identifier AAIW et ses principales voies de propagation. Sur cette base, la première étape de l’analyse est d’identifier la couche AAIW dans l’ensemble du jeu de données. Des cartes des valeurs minimales de salinité (figure 5) obtenues à partir du jeu des données ARGO montrent que la distribution AAIW est presque zonale et correspond assez bien avec les fronts de l’Océan Austral. Deux variétés AAIW convergent dans le sud-est de l’Atlantique, en provenance de l’Atlantique Sud et l’océan Indien :

  1. la variété de AAIW la plus douce vient de l’océan Atlantique Sud, porté par le courant de l’Atlantique Sud et le Courant Antarctique Circumpolaire, et pénètre dans la zone d’étude au sud du front S-STF sans le traverser. Elle est caractérisée par S ? 34,2 et une profondeur de 0-200 dbar au sud du SAF, atteignant des valeurs plus profondes (environ 800 dBar) dans le SAZ. Lorsque l’A-AAIW entre dans le SAZ à 10 ° W, il est relativement épais (environ 700 dbar).
  2. La deuxième variété d’AAIW détectée au sud de l’Afrique est la variété localement la plus salée variété de AAIW, avec S ? 34,3. Le courant des Aiguilles transporte cette masse d’eau, qui provient de l’océan Indien, dans la zone d’étude. Le I-AAIW est profond et épais, car il se rapproche de la limite est de la région sud de l’Afrique, et pénètre dans l’océan Atlantique avec une profondeur (1400 dbar) et une épaisseur (600 dbar) relativement importantes.

Les variétés de AAIW provenant de l’océan Indien et de l’océan Atlantique sont séparés par le S-STF dans la partie nord; la zone située au nord du S-STF est largement dominé par la variété AAIW d’origine indienne.

Mais une nouvelle variété IA-AAIW, caractérisé par 34,2 ? S ? 34,3 et une température potentielle entre 3-6 ° C, apparait dans une zone de forte activité méso-échelle dans la région sud de l’Afrique. La figure 6 schématise l’évolution des propriétés dynamiques des trois AAIW le long de leurs parcours. Le volume total des trois variétés de AAIW, calculé à partir du jeu de données, montre que :

  • le SAF est une barrière pour l’I-AAIW et empêche cette eau de pénétrer dans la zone polaire
  • le S-STF apparait perméable à l’I-AAIW, le laissant ainsi entrer dans le SAZ : en traversant le S-STF, la variété de l’AAIW provenant de l’océan Indien est capable de converger avec l’A-AAIW pour se mélanger et former l’IA-AAIW
  • au nord du S-STF, on trouve seulement deux variétés de l’AAIW, l’I-AAIW l’IA-AAIW

Par conséquent, ces résultats révèlent que les propriétés des eaux antarctiques intermédiaires ne sont pas établies une seule fois et pour toutes dans la couche de mélange sous l’effet des interactions air-mer, mais elles peuvent évoluer de manière significative dans l’intérieur de l’océan sous l’influence de la turbulence qui est particulièrement forte dans la région d’étude.

Figure 5 : Maps of salinity of the AAIW core (salinity minimum) derived from the ARGO data set. The subplots show the salinity (a) for the whole domain ; (b) restricted to the values where Smin ? 34.2 ; (c) restricted to the values where 34.2 ? Smin ? 34.3 and (d) restricted to the values where Smin ? 34.3 © Rusciano et al. 2012

Figure 6 : Schematic showing the transport and the dynamical processes that are very likely play a role in shaping the transport associated to the different AAIW varieties © Rusciano et al. 2012

 

REFERENCES

2012
Rusciano E., S. Speich, and M. Ollitrault :  » Interocean exchanges and the spreading of Antarctic Intermediate Water south of Africa « , JGR, vol. 117, C10010, doi:10.1029/2012JC008266

Speich S., M. Arhan, E. Rusciano, V. Faure, M. Ollitrault, A. Prigent, S. Swart :  » Use of Argo floats to study the ocean dynamics south of Africa  » – Mercator Ocean – Coriolis quaterly newletter, special issue #45 april 2012, http://archimer.ifremer.fr/doc/00114/22553/20241.pdf

2007
Speich, S., and M. Arhan :  » GOODHOPE/Southern Ocean : A study and monitoring of the Indo-Atlantic connections « , Mercator Newsl., 27, 29-41.

Speich, S., B. Blanke, and W. Cai :  » Atlantic meridional overturning and the Southern Hemisphere Supergyre « , Geophys. Res. Lett., 34, L23614, doi:10.1029/2007GL031583.s

1996
Belkin, I. M., and A. L. Gordon :  » Southern Ocean fronts from the Greenwich meridian to Tasmania « , J. Geophys. Res., 101, 3675-3696, doi:10.1029/95JC02750.

1995
Orsi, A. H., T. Whitworth, and W. D. Nowlin :  » On the meriodional extent and fronts of the Antarctic Circumpolar Current « , Deep Sea Res., Part I, 42, 641-673, doi:10.1016/0967-0637(95)00021-W.

 

LIENS

>>CLIVAR/GOODHOPE programs
>>BONUS-GOODHOPE project
>>SAMOC webpage

 

LIENS PRODUITS

>> ARVOR L
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>> PROVOR CTS3