ZONES CÔTIÈRES
ARVOR C : UN NOUVEAU FLOTTEUR COTIER POUR MESURER L’ENVIRONNEMENT PHYSIQUE SUR LE PLATEAU CONTINENTAL DU GOLFE DE GASCOGNE
article rédigé par Carole Saout-Grit carole.saout@glazeo.net
CONTEXTE
Au large des côtes atlantiques françaises, le Golfe de Gascogne est sans cesse sous pression humaine. Activités de transports maritimes, de pêches ou de loisirs en particulier ont aujourd’hui un poids économique si important qu’il est essentiel de préserver la zone pour assurer son développement durable. Connaitre, de manière précise, la variabilité saisonnière de ses caractéristiques physiques est un défi majeur pour un bon déroulement des activités humaines qui s’y passent.
Depuis les années 60, de nombreuses études s’intéressent donc à mieux décrire la structure des masses d’eaux du Golfe de Gascogne. L’étude publiée par Koutsikopoulos et Le Cann en 1996 a permis d’aboutir à une représentation synthétique de la circulation générale du Golfe de Gascogne et des différents courants présents (figure 1). Le cycle saisonnier de la circulation océanique peut ainsi se résumer à l’enchainement de deux phases :
- l’une hivernale, où les températures sont homogènes de la surface au fond sur le plateau continental, avec quelques hétérogénéités marquées par les panaches des fleuves de Loire et Gironde
- l’autre estivale, marquant une nette stratification verticale entre le fond et une surface réchauffée, et l’apparition d’une thermocline saisonnière plus importante sur la partie sud que sur la partie nord de la zone, soumise à des phénomènes de vents et de marées plus importants.
Figure 1 : Principales structures hydrologiques dans le Golfe de Gascogne (Koutsikopoulos et Le Cann, 1996). 1 courant chaud d’hiver, 2 swoddies, 3 panache de rivière, 4 “bourrelet froid”, 5 upwelling, 6 eaux chaudes de la baie, 7 fronts de pente, 8 fronts de marée, 9 “langue d’eau chaude”.
Depuis 2009, au sein du programme EPIGRAM (Etude Physiques Intégrées en Gascogne et Région Atlantique-Manche), l’expérience ASPEX (Aquitaine/Armoricain Shelves and Slopes Physics EXperiment) était spécifiquement mise en place pour collecter de nouvelles données. L’objectif était de permettre d’observer puis de décrire le cycle saisonnier de ces courants sur les plateaux et les talus Armoricain et Aquitain, pour parvenir à comprendre les mécanismes d’échange entre océan côtier & océan hauturier au sein du Golfe de Gascogne.
DONNÉES & MÉTHODE
Dans le cadre des cinq campagnes ASPEX (table 1), un réseau de 12 mouillages courantométriques immergés entre 60 et 1500 mètres de profondeur, a été maintenu pour observer et étudier le cycle saisonnier de la circulation océanique basse-fréquence (inférieure à celle de la marée) sur le plateau, le talus et la pente du Golfe de Gascogne.
Table 1 : Description des campagnes ASPEX de 2009 à 2012
En complément de ces mesures, des flotteurs profilants côtiers de type Arvor-C ont été déployés et maintenus depuis 2009, pour fournir quotidiennement des profils hydrologiques de température (T) et de salinité (S) pour l’Arvor-C L’Arvor-C est un flotteur côtier capable de profiler entre la surface et 450 mètres de profondeur. Quand il cycle à 200 dbar, il peut effectuer jusqu’à 320 cycles, à raison d’un profil par heure, à une vitesse de montée/descente de 15 à 20 cm/s.
Figure 2 : Déploiements de flotteurs profilants côtiers dans le Golfe de Gascogne dans le cadre des campagnes ASPEX © LPO/IUEM, Louis Marié
Au total pour les campagnes ASPEX, 12 Arvor-C et 3 Arvor-Cm ont été industrialisés par NKE, partenaire industriel d’IFREMER. Deux positions de déploiement ont été choisies (figure 2), l’une sur une section nord proche du panache de la Loire, l’autre au Sud proche du panache de la Gironde, afin d’obtenir des profils hydrologiques le long du » bourrelet froid » des plateaux Aquitain et Armoricain (Vincent et Kurc, 1969).
RÉSULTATS
Au total, dix déploiements d’Arvor-C ont été effectués dans le cadre des campagnes ASPEX. Quelques difficultés spécifiquement liées au domaine côtier sont rapidement apparues, notamment l’exposition des engins aux chalutages et les échouages inhérents à de faibles profondeurs dans la zone. Depuis 2009, plus 660 profils hydrologiques T/S ont été collectés. Les données des flotteurs déployés sur le site le plus au sud sont difficilement utilisables car très bruitées par l’activité de pêche. Celles des flotteurs déployés plus au nord sont en revanche plus exploitables.
La figure 3 montre ainsi, pour cette partie nord de la zone, l’évolution des profils hydrologiques de température (en haut) et de salinité (en bas) en fonction du temps et de la profondeur, dans la tranche d’eau 0-150 mètres. Ces profils donnent une bonne vision du cycle annuel moyen, et des stratifications saisonnières apparaissant sur le plateau Armoricain depuis 2011.
Figure 3 : Profils de température et salinité obtenus à partir des ARVOR-C dans la partie nord du Golfe de Gascogne (voir figure 1). Les dates de déploiements sont mentionnées par les traits verticaux noir continu, les traits verticaux noir pointillé représentent le début de chaque année civile. © LPO/IUEM, Louis Marié
La figure 4, qui détaille les profils pluri-annuels de surface et de fond, confirme que les évolutions en température et salinité sont similaires de 2009 à 2013, malgré quelques variations inter-annuelles en particulier pour l’année 2012 où les profils de températures sont plus chauds en surface et au fond que les autres années. La salinité au fond présente une variation inter-annuelle atteignant jusqu’à 0.2 psu tandis que les salinités de surface sont, en moyenne saisonnière, moins variables d’une année à l’autre. La série des tempêtes de l’hiver 2013 est également visible dans ces données, ayant provoqué une décroissance inhabituelle de la salinité de surface qui rejoint progressivement les valeurs de fond pendant le mélange vertical hivernal.
Figure 4 : Température (en haut) et salinité (en bas) mesurés par les ARVOR-C en surface (cercles) et au fond (triangles). © LPO/IUEM, Louis Marié
PERSPECTIVES
Ces premiers résultats sont très prometteurs puisque, pour la première fois grâce à l’ARVOR-C, on peut observer le cycle annuel complet haute-fréquence de stratification en température & en salinité dans le Golfe de Gascogne. Ces données devraient donc contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes saisonniers d’échanges entre plateau continental et plaine abyssale sur la zone.
RÉFÉRENCES
2014
G. Charria, M. Repecaud, L. Quemener, A. Ménesguen, P. Rimmelin-Maury, S. L’Helguen, L. Beaumont, A. Jolivet, P. Morin, E. Macé, P. Lazure, R. Le Gendre, F. Jacqueline, R. Verney, L. Marié, P. Jegou, S. Le Reste, X. André, V. Dutreuil, J.-P. Regnault, H. Jestin, H. Lintanf, P. Pichavant, M. Retho, J.-A. Allenou, J.-Y. Stanisière, A. Bonnat, L. Nonnotte, W. Duros, S. Tarot, T. Carval, P. Le Hir, F. Dumas, F. Vandermeirsch, F. Lecornu : « PREVIMER: a contribution to in situ coastal observing systems », Mercator Ocean- Quaterly Newsletter #49, pp 9-19, avril 2014.
2010
André X., S. Le Reste, J.-F. Rolin (2010). Arvor-C: A Coastal Autonomous Profiling Float. Sea Technology, 51(2), 10-13. Open Access version : Archimer
1996
Koutsikopoulos, C. et B. Le Cann : Physical processes and hydrological structures related to the Bay of Biscay anchovy, Sci. Mar., 60 (supl.2), 9-19, 1996
1969
Vincent, A. and G. Kurc : Hydrologie, variations saisonnières de la situation thermique du Golfe de Gascogne en 1967. Rev. Trav. Inst. Pêches marit., 33, 79-96, 1969.
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